Le droit de préemption joue un rôle crucial dans la gestion de l’aménagement du territoire français. Il influence aussi le processus des transactions immobilières. Voici ce que vous devez savoir.
Définition du droit de préemption
Le droit de préemption est une prérogative légale dont disposent une collectivité territoriale ou locale, une commune, une mairie ou encore un État. La collectivité qui dispose d’un droit de préemption sur un bien immobilier a la possibilité de se porter acquéreur en priorité lors de la mise en vente. En clair, lorsqu’un propriétaire souhaite vendre son logement soumis à un droit de préemption, il doit d’abord le proposer à la commune, avant de le proposer aux acquéreurs potentiels sur le marché. Si la commune ne souhaite pas racheter le bien immobilier, le vendeur peut alors chercher un autre acheteur.
Le droit de préemption peut aussi être accordé à un professionnel ou à un particulier, tout dépend de la loi en vigueur et des termes du contrat signé.
Les objectifs du droit de préemption
L’aménagement du territoire
Le droit de préemption permet aux collectivités de développer des projets urbains, grâce à l’achat de biens immobiliers et de terrains dans des secteurs stratégiques. Elles peuvent ainsi lancer la construction de logements neufs, d’espaces verts, ou encore d’infrastructures publiques. Ce droit facilite également la construction de réserves foncières pour de futurs projets urbains.
La protection de l’environnement
Les départements et les communes peuvent se servir de ce droit pour protéger des sites naturels menacés, préserver la biodiversité de certains secteurs, et conserver les espaces verts. Il s’agit aussi de promouvoir l’exploitation agricole et d’éviter l’urbanisation excessive.
Le maintien de la diversité commerciale et artisanale
Le droit de préemption permet également d’investir dans des fonds de commerce et de récupérer des baux commerciaux. Il s’agit ici de préserver le savoir-faire et la diversité des commerces et des artisans au sein des communes.
La protection du patrimoine culturel et architectural
Le droit de préemption est particulièrement utile dans les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP), ainsi que dans les centres historiques. Il permet aux collectivités de racheter les sites remarquables et les monuments historiques, afin de les préserver d’éventuelles altérations ou démolitions.
L’accès au logement pour les locataires
Le droit de préemption peut s’appliquer aux locataires lorsque l’immeuble qu’ils occupent est mis en vente. Selon les contrats, les locataires peuvent en effet se porter acquéreurs en priorité, afin de devenir propriétaires de leur résidence principale.
Les collectivités territoriales peuvent également disposer d’un droit de préemption, afin de racheter l’immeuble et garantir le maintien des locataires à l’intérieur.
Les projets d’intérêt général
Enfin, le dernier objectif notable du droit de préemption est de permettre aux communes d’implanter des équipements publics, afin d’augmenter le niveau de vie de la population locale. Il peut s’agir d’écoles, d’hôpitaux, d’équipements sportifs ou culturels, ainsi que des logements sociaux.
Les différents types de droit de préemption
Le droit de préemption urbain (DPU)
Le droit de préemption urbain (DPU) s’applique dans certaines zones définies par le plan local d’urbanisme (PLU). L’objectif principal est de permettre aux collectivités de contrôler les projets d’urbanisation sur un territoire précis, dans l’intérêt de la population.
Il existe deux formes de DPU :
Le DPU simple
Il s’applique dans les zones urbaines ou à urbaniser selon le PLU. Il concerne les biens immobiliers à usage d’habitation, les terrains à bâtir, ainsi que certaines structures à usage commercial ou industriel. L’objectif est de créer de nouveaux logements, des espaces publics, ou encore des équipements collectifs.
Le DPU renforcé
Le conseil municipal peut définir des zones particulières où l’enjeu d’aménagement est important. Les biens concernés peuvent s’étaler sur un large périmètre. Il peut s’agir de locaux commerciaux ou artisanaux, d’usines, d’industries, de terrains non constructibles, ou toute autre catégorie qui n’est pas couverte par le DPU simple.
Le droit de préemption dans les zones d’aménagement différé (ZAD)
Une zone d’aménagement différé est un secteur géographique défini par un établissement public de coopération intercommunale, ou par une collectivité locale. Ce type de zone est délimité par arrêté préfectoral et permet d’anticiper de futurs projets d’aménagement, comme un parc industriel, un quartier résidentiel, une infrastructure publique, ou encore un espace vert. Ce droit de préemption vise à contrôler le foncier, créer des réserves foncières, et réaliser des projets d’intérêt général.
Le droit de préemption des espaces naturels sensibles (ENS)
Les espaces naturels sensibles (ENS) sont des zones délimitées par les départements et reconnues pour leur richesse écologique, leurs paysages et leur biodiversité. Il peut s’agir de forêts, de zones humides, de marais, de littoraux, de dunes, ou encore d’habitats naturels de certaines espèces protégées. Les collectivités disposant du droit de préemption peuvent donc racheter ce type d’espace, afin de gérer la protection écologique, et contrôler l’accès du public.
Le droit de préemption dans les zones agricoles et naturelles
Le droit de préemption des zones agricoles et naturelles permet de protéger les zones dédiées à l’agriculture et les zones forestières. Il permet également d’équilibrer le territoire rural, en empêchant des particuliers ou des professionnels d’acheter des terrains ou des bâtiments pour en faire autre chose (habitations, usines…). Ce droit vise à soutenir les agriculteurs, à mener des projets environnementaux, et à assurer une gestion durable des terres exploitées.
Le droit de préemption des locataires en cas de vente d’un immeuble
Le droit de préemption des locataires s’applique lors de la vente en bloc, c’est-à-dire de l’immeuble entier en un seul lot. Dans ce cas, les locataires peuvent être prioritaires s’ils souhaitent racheter leur logement. En revanche, ce n’est pas le cas si la vente se fait à l’unité. Ce droit a pour objectif de protéger les locataires en cas de vente et de favoriser leur accès à la propriété.
Le droit de préemption dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP)
Ces zones sont mises en place par la loi du 7 janvier 1983. Elles permettent aux services d’État de se concerter pour protéger des monuments historiques et des secteurs d’intérêt patrimonial. Même si ces zones ont été intégrées aux Aires de Mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine (AVAP), puis aux Plans Locaux d’Urbanismes (PLU) depuis 2010, le droit de préemption reste le même. Il permet de valoriser le patrimoine, de préserver l’architecture et l’histoire locale, ainsi que de protéger les paysages.
Comment fonctionne le droit de préemption ?
Les conditions d’exercice
Les secteurs
Le droit de préemption existe uniquement dans les zones définies par des documents d’urbanisme officiels. Il s’agit essentiellement du Plan Local d’Urbanisme, ou des dispositifs spécifiques que nous avons mentionnés précédemment (ZPPAUP, ZAD, zones agricoles…).
Les biens
Plusieurs types de biens immobiliers et fonciers peuvent être concernés par le droit de préemption. En fonction des secteurs, il peut s’agir de biens immobiliers anciens, de monuments, de locaux commerciaux ou industriels, de terrains, de terres agricoles, ou encore d’espaces naturels.
La finalité de l’exercice
La collectivité qui fait valoir son droit de préemption doit justifier l’objectif de l’acquisition. Cela peut être un projet de construction immobilière, la création d’équipements publics, ou encore la protection du patrimoine.
La procédure de mise en œuvre
La procédure comporte trois étapes principales.
Tout d’abord, le propriétaire qui souhaite vendre son bien adresse une Déclaration d’Intention d’Aliéner (DIA) à la collectivité qui dispose du droit de préemption. Ce document contient les informations essentielles sur la vente, telles que le descriptif du bien, le prix de vente et les conditions. La récupération de cette déclaration par l’autorité compétente marque le début du délai légal du droit de préemption, qui est généralement de deux mois.
Après le délai légal, la collectivité formule sa décision par écrit. Elle notifie alors le vendeur de sa volonté d’acheter le bien ou non. En l’absence de réponse dans le délai imparti, le droit de préemption disparaît et le vendeur est libre de vendre son bien à l’acquéreur de son choix.
Si la collectivité souhaite acquérir le bien, des négociations peuvent avoir lieu, au niveau du prix et des conditions de vente. Une fois qu’un accord est trouvé, les deux parties procèdent à la signature de l’acte de vente devant un notaire.
Les implications du droit de préemption pour les propriétaires
Les obligations des propriétaires
Avant de mettre son bien en vente, le propriétaire doit impérativement notifier le titulaire du droit de préemption, avec la déclaration d’intention d’aliéner. Ce document contient l’identité du vendeur, la description du bien, le prix et les conditions de la transaction, ainsi que l’identité du potentiel acquéreur (si possible).
Une fois que ce document est envoyé, le propriétaire n’a pas le droit de proposer son bien à des acheteurs potentiels. Il doit attendre le délai de deux mois pour avoir le retour de la collectivité. En cas de refus ou de non-réponse de la part de cette dernière, le propriétaire peut vendre son bien à l’acquéreur qu’il avait désigné, ou à n’importe quel acquéreur de son choix.
Les recours possibles
Le propriétaire peut contester le droit de préemption en saisissant le tribunal administratif, s’il estime que l’intérêt général n’est pas justifié. Cette procédure est également possible si le propriétaire et la collectivité sont en désaccord sur le prix de vente. Le juge évalue alors la valeur vénale du bien au moment de la DIA.
Si la collectivité achète le bien mais ne réalise pas le projet qu’elle s’était engagée à réaliser dans un délai raisonnable, le propriétaire peut demander la rétrocession du bien. Cette demande doit généralement avoir lieu dans les 5 ans qui suivent la signature de l’acte authentique de vente.
Les implications du droit de préemption pour les acheteurs
L’influence du droit de préemption sur les transactions immobilières
Incertitude de l’acheteur
Un acheteur qui souhaite acquérir un bien soumis à un droit de préemption est tout d’abord dans une situation d’incertitude. En effet, il doit attendre que la collectivité titulaire de ce droit formule son désire ou son refus d’acheter le bien, avant de savoir comment se positionner. Pendant le délai de deux mois, l’acheteur n’est donc pas certain de pouvoir réaliser son investissement immobilier, même si le vendeur est d’accord pour lui céder son bien. Cette attente a un impact sur la planification du projet immobilier de l’acheteur, et peut compliquer ses démarches administratives.
Allongement du délai de vente
Le délai de réponse de la collectivité allonge inévitablement les délais de la vente. Pendant les deux mois, la transaction est suspendue, ce qui peut impacter les engagements financiers de l’acheteur potentiel, surtout s’il a obtenu l’accord d’une banque pour un financement et que celui-ci dispose d’une date butoir.
Les risques et les précautions à prendre
Le droit de préemption expose l’acheteur à certains risques, dont les principaux sont :
- La perte potentielle du bien (si la collectivité fait valoir son droit de préemption).
- L’allongement des délais de la transaction.
- Les frais engagés perdus.
- L’impact sur la planification financière et la potentielle perte du financement.
Pour se protéger au mieux, l’acheteur peut prendre plusieurs précautions. Il peut tout d’abord vérifier la situation juridique du bien en consultant un notaire, avant de signer le compromis de vente. Il peut aussi demander à inclure une clause de résiliation, afin de récupérer son dépôt de garantie si la collectivité exerce son droit de préemption. Informer la banque du droit de préemption est également essentiel, car cela permet de coordonner les délais et de ne pas perdre le financement.
Conclusion
Le droit de préemption est donc un mécanisme juridique qui permet à certains organismes et collectivités d’acquérir des biens immobiliers et des terrains en priorité. Les objectifs sont nombreux, comme la construction de nouveaux logements, la protection du patrimoine et des écosystèmes, ou encore la conception de projets urbains. Le droit de préemption est encadré par la loi et répond à plusieurs conditions (secteurs, types de biens et justifications). Les vendeurs et les collectivités doivent suivre une procédure précise et répondre à des obligations légales, afin de réaliser des transactions immobilières qui ont un intérêt général.
Si vous êtes vendeur ou acheteur d’un bien soumis à ce type de droit, n'hésitez pas à vous faire accompagner par l’un de nos experts en immobilier, et à solliciter les conseils d’un notaire.